Recycler à 100 % l’ancien revêtement des routes de la même manière qu’on le fait pour des bouteilles en verre ou les emballages en plastique, c’est désormais possible.

C’est en 2018 que fut réalisé, par l’entreprise Eiffage Route, le premier tronçon d’autoroute utilisant du bitume recyclé à 100 %, sur l’autoroute A10 à Saint-Christoly-de-Blaye près de Bordeaux (Gironde). L’expérimentation est même une première mondiale.

Il s’agit naturellement plus d’une réutilisation que d’un réel recyclage. Cette pratique n’est pas nouvelle, en 2017 déjà, près de 47 millions de tonnes d’enrobés ont été recyclées en Europe. Ce qui est nouveau, c’est bien sûr la possibilité de le réutiliser à 100 %.

Chez Eiffage Route, pour remplacer le bitume – matériau qui, rappelons-le, provient du pétrole -, a été mis au point un substitut biosourcé. Ce liant végétal, d’une couleur caramel, est fabriqué à partir de poix, un produit résineux originaire notamment des pins, reconnu pour ses qualités gluantes et adhérentes. « On a mis en évidence ses propriétés à la fois de colle et de régénérant des anciens bitumes routiers », s’enthousiasme Hervé Dumont, directeur prospective, technique et développement d’Eiffage Route. Développée par le centre d’études et de recherche de l’entreprise de construction et brevetée en 2014, cette innovation a été expérimentée dès l’année suivante.

Pour cette première mondiale, seuls 2% d’additifs ont été incorporés dans le nouveau bitume.

Concrètement, le procédé permet de refaire une route en réutilisant l’intégralité d’une ancienne chaussée, sans apport de bitume, par une fabrication à température ambiante, donc plus économe en énergie. Pour limiter davantage l’impact carbone, une machine est directement installée sur place, supprimant ainsi le trafic nécessaire pour l’approvisionnement des matériaux du chantier, soit, en moyenne, 80 poids lourds par kilomètre de chaussée régénérée (1). Une initiative labellisée en 2017 par l’État au titre de l’appel à projets du Comité d’innovation routes et rues (CIRR).

Si, pour l’heure, le produit n’est utilisé que pour une infime portion des réalisations du groupe français, Hervé Dumont se montre très confiant pour son essor. « Techniquement, ça marche. Nous avons désormais un recul de plusieurs années et nous constatons un comportement normal. Économiquement, et excepté pour les enrobés autoroutiers, nous arrivons à une gamme de prix quasiment similaire à celle des enrobés au bitume traditionnel », poursuit celui qui occupe aussi le rôle de président de la section technique routière au sein de l’organisation Routes de France.

D’autres procédés écologiques sont en cours de développement. « D’ici une vingtaine d’années, la plus belle source de bitume qui remplacera celui que nous achetons neuf actuellement… est celui que nous avons sous les pieds ! », confie pour sa part Ivan Drouadaine, directeur technique et recherche d’Eurovia, la filiale du groupe Vinci. Pour lui, l’économie circulaire est en effet l’un des éléments majeurs de la maintenance des routes du futur. D’autant que le bitume pétrolier, dans son usage routier, est intégré sans combustion et n’émet donc que peu de CO2. En plus d’être éternellement recyclable.

La société Eurovia pratique aussi ce procédé, avec un pourcentage de bitume recyclé à 70%, et n’utilise que 30% de granulats neufs. L’enrobé est fabriqué par une usine mobile stationnée à proximité du chantier. Elle permet de produire jusqu’à 4 000 tonnes d’enrobés recyclés à 70% par jour. Celui garde les mêmes caractéristiques techniques qu’un matériau neuf (2). En Charente, dix kilomètres de routes départementales ont été refaits avec ce procédé, également utilisé sur le chantier de la Nationale 141, à l’ouest d’Angoulême.

D’autres liants peuvent aussi être utilisés. En 2021, le Département de la Loire réhabilita une portion de la D39 longue de 2,5 km. Une première dans le département. Le bitume raboté sera traité et mélangé avec une émulsion végétale provenant de déchets de l’industrie de la papeterie.

Ce sont des résidus qui restent lors de la fabrication du papier kraft qui sont récupérés pour faire le liant de la chaussée », explique Jérémie Lacroix, vice-président départemental chargé des routes et des mobilités.

L’ouvrage était encore réalisé par Eiffage Route sur cette portion de route ligérienne située entre Saint-Romain-la-Motte et Mably.

Le bitume est un matériau inerte, insoluble dans l’eau. Il n’a donc aucune incidence sur la qualité des sols et de la végétation. Limiter l’usage des énergies fossiles rend cependant le recyclage de ce matériau éminemment souhaitable, d’autant plus que les déchets de ce type sont très volumineux. Pour rappel, chaque année, la France consomme 35 millions de tonnes d’enrobés neufs et génère 7 millions de tonnes de fraisâts et croûtes qui ne sont – pour l’heure – que partiellement recyclés.

  1. https://lentreprise.lexpress.fr/high-tech-innovation/reutilisation-materiaux-vegetaux-l-heure-de-la-route-recyclee-et-biosourcee_2164953.html
  2. https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/charente/recycler-ancien-revetement-routes-faire-du-neuf-procede-plus-ecologique-utilise-charente-1751963.html
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